Quels sont les visages de la violence dans notre société ? Premier article d'une serie de 3 autour de la résilience
Publié par Eugénie Thevenon dans Actualité · 1 Février 2021
Je vous propose aujourd’hui une nouvelle série d’articles autours du processus de résilience. Pour ce faire nous cheminerons ensemble de la violence au traumatisme pour finir par aboutir à la résilience.
L’idée de ce premier article est d’apporter une vision de ce qui est susceptible de provoquer de la douleur psychologique notamment par les situations violentes que l’on peut rencontrer, certaines plus ordinaires que l’on côtoie au quotidien, d’autres plus massives et brutales qui peuvent générer des conséquences psycho-traumatiques graves chez un individu lorsque sa capacité d’intégration est dépassée.
Nous verrons ensuite le traumatisme psychique, comment il s’exprime, la symptomatologie de celui ou celle qui le vit ainsi que ses conséquences qui en découlent.
Nous aborderons enfin, dans un troisième article, le processus de résilience dans sa complexité. Les facteurs favorisants sa mise en place ainsi que les facteurs qui entravent le retour à la vie normale. Et dans la continuité comment contrecarrer cela, notamment en ayant à l’esprit qu’il est essentiel et fondamental de solliciter de l’aide et de bien s’entourer.
Nous commencerons donc cette nouvelle série d’articles par définir la violence et orienter notre regard sur les formes qu’elle revêt afin de montrer l’impact consécutif probable lorsqu’elle dépasse le seuil de la capacité d’intégration de l’individu. Provoquant ainsi par la violence du choc ou le cumul des micros chocs une fracture de l’émotionnel et un vécu traumatique.
De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque cette notion de violence ?
Le dictionnaire Larousse nous propose plusieurs définitions de la violence :
- Caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, brutale et souvent destructrice : Le vent souffle avec violence. La violence d’un choc.
- Extrême véhémence, grande agressivité, grande brutalité dans les propos, le comportement
- Ensemble des actes caractérisés par des abus de la force physique, des utilisations d’armes, des relations d’une extrême agressivité
- Contrainte, physique ou morale, exercée sur une personne en vue de l’inciter à réaliser un acte déterminé.
La violence est omniprésente dans notre quotidien. Elle est polymorphe, multicausale, parfois brutale, parfois vicieuse et souterraine. Tout un chacun a en lui un réservoir potentiel de violence qu’il lui appartient de canaliser afin d’éviter de poser des actes. La mise en mots du vécu intérieur est un sas précieux de décompression à prendre en considération et utiliser sans modération. Car ce qui conduit souvent au passage à l’acte, c’est l’incapacité à mentaliser et exprimer ce qu’il se passe à l’intérieur.
Où peut-elle prendre sa source ?
La violence peut prendre sa source de peurs (fondées ou non) et est alors à dessein de préservation de celui qui l’inflige, niant ainsi la différence et l’altérité.
La violence revêt différentes formes. Elle peut être liée à des catastrophes technologiques, environnementales, des conflits armés entres pays, des guerres. Elle peut s’exprimer dans les sociétés à travers des émeutes, et des mouvements de foules incontrôlés.
Elle peut être posée par un individu ou un groupe d’individus dans la cadre d’actes terroristes, de viol seul ou en réunion, de braquages, de hold-up, de guerre de gang, de règlement de compte, d’agression, d’acte de barbarie, de tortures sadiques, de meurtres.
Elle peut aussi émaner d’une personne seule qui est a bout de ressources et n’a pas les mots. Quelqu’un qui n’a pas appris à canaliser sa colère et qui met en acte pour contrôler son environnement et exprimer son mécontentement.
La violence peut naître chez une personne qui a des difficultés pour s’affirmer et qui harcelée et malmenée régulièrement depuis trop longtemps finit, poussé à bout par éclater et parfois commettre l’irréparable.
Elle peut également émerger d’une personne qui a perdu le contact avec la réalité. Du fait de la porosité et de la perméabilité de sa bulle psychique, son imaginaire, ses interprétations et ses pensées se déversent et prennent vie dans sa lecture de la réalité. Les interactions qu’elle vit avec les autres s ‘imprègnent des couleurs de ses cauchemars intérieurs et de son imaginaire, faisant émerger une angoisse insoutenable et une insécurité qui l’amène a passer à l’acte par préservation délirante.
Comment s’exprime-t-elle dans les relations interpersonnelles ?
Une relation peut être violente tant dans la nature du lien que dans l’espace interactionnel des échanges. Que ce soit sous forme de contrôle de l’autre, de domination, d’emprise, de trahison, de violence physique, sexuelle, financière, la toxicité des échanges génèrent des conséquences délétères sur la psyché pouvant être très traumatique.
La violence peut être verbale et prend la forme de jugement de valeur, d’humiliations, d’insultes, de dénigrement et aussi de silences abîmant ainsi l’estime de celui qui la reçoit.
Elle est présente dans certaines familles sous formes de maltraitances, de carences et de manques, de trop de limites ou de pas assez. D’abus, d’incestuel, d’inceste, de coups, de négations des besoins et des émotions, d’abolition de la parole et du processus de pensée individuel.
Dans les groupes humains, on la rencontre parfois à travers des phénomènes de boucs émissaires. Ils se mettent en place dans un fonctionnement groupal immature, comme une soupape de la cocote minute de l’inconscient collectif. Une personne est alors désignée collectivement inconsciemment comme bouc émissaire pour décharger les tensions du groupe et maintenir ainsi sa cohésion.
A t-elle une forme particulière dans les organisations ?
L’institution et les organisations n’y échappent pas. On rencontre aussi le harcèlement, la mise au placard, les rapports de pouvoirs, les jeux psychologiques et l’aliénation…
Les injonctions de performance, d’efficacité, la pression du résultat, une charge de travail démesurée, la mise en place de la compétition, le fait d être considéré comme un pion qu’on peut déplacer et utiliser à souhait, pour résumer le manque d’humanité …
La liste des violences est longue, elles sont aussi médiatiques, sournoisement hypnotiques avec les intrusions publicitaires et banalisées à la télévision, sans réelle conscience de la puissance et l’impact des images sur l’esprit des grands et aussi des petits.
La vie est-elle aussi une épreuve ?
La vie a elle aussi son lot de violences par ces situations inattendues qui bouleversent radicalement la vie des gens. Dans le cadre de la maladie, d’une séparation, de la perte d’un emploi, d’accidents qui génèrent des handicaps plus ou moins lourds, de la disparition d’un être cher à notre cœur, de la perte brutale d’un enfant…
Nous vivons tous au cours de notre vie des événements qui à la manière de grosses intempéries nous chamboulent profondément tant dans notre être que dans son essence. Nous devons tous faire face à des événements difficiles qui rompent notre équilibre de vie. Notre nature d’être humains vulnérables et mortels se rappellent alors nous.
Nous sommes alors confrontés brutalement à nos limites. Impuissant, la sidération nous gagne. L’agonie psychique n’est pas loin. Nous tremblons de tout notre être par la violence du (ou des) choc(s) (répétés) qui vien(nen)t de nous être porté…
Nos représentations s’effondrent… Ça n’a pas de sens…Comment cela a pu m’arriver ? L’impensable est arrivé, l’impensable qu’on ne peut conter… Et pourtant, pour avancer, il sera nécessaire de pouvoir en parler pour cicatriser..
Prenez soin de vous...
Lire la suite de cet article le mois prochain.
Pour aller plus loin :
- Un merveilleux malheur – Boris Cyrulnik –
- Résilience, connaissances de base – Boris Cyrulnik, Gerard Jorland –
- Violences en entreprise, comment s’en sortir ? – Christine Marson –
- Traumatismes psychologiques, prise en charge psychologique des victimes – Louis Crocq –
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