Comment mieux comprendre la physiologie du stress pour en réduire son intensité ? Clés de compréhension et quelques pistes pour s’apaiser (Partie 2/2).
Publié par Eugénie Thevenon dans Actualité · 20 Juillet 2024
Physiologie du stress
Hans Selye en 1952 définit le stress comme un syndrome général d’adaptation, une réponse physiologique non spécifique aux stresseurs avec trois phases.
Dès lors qu’une personne se sent menacée via un stresseur interne ou externe, une succession de réactions physiologiques en cascade se mettent en place afin de lui permettre d’agir et de s’adapter dans la durée en mobilisant de l’énergie. Son cœur s’accélère, le corps se met en tension, ses sens s’activent, sa pensée file à toute allure…
Une première phase - la phase d’alarme – correspond à une réponse rapide dans laquelle le système sympathique se met en action. De l’adrénaline est ainsi libérée pour faire face expressément à la demande à l’origine de cette première réaction physiologique.
Lorsque cette dernière perdure, le corps s’adapte encore davantage. Pour faire durer dans le temps la période d’adaptation, une autre stratégie physiologique apparait alors par la mise en route du système endocrinien via la voie du cortisol.
Cela permet de s’ajuster plus longtemps à la contrainte interne et/ou de l’environnement. C’est la deuxième la phase : la phase de résistance ou d’adaptation. La réponse est en adéquation avec la demande.
Lorsque la contrainte s’estompe, on récupère notamment par le biais de l’action du système parasympathique qui déclenche un système « de reset », à la fois métabolique et aussi émotionnel en induisant par exemple une bonne nuit de sommeil réparatrice.
C’est la définition de l’eustress : la réponse ajustée à la demande avec un début et une fin et juste ce qu’il faut comme réaction physiologique pour permettre à l’individu de s’adapter et de faire face à ce qui lui arrive.
On parle de stress à partir du moment où le cortisol est sécrété. Cela signifie que le stresseur a été présent suffisamment longtemps (15 / 20 minutes) pour induire la sécrétion de cortisol. Il agit comme anti-inflammatoire, antalgique, et contribue à diminuer la réponse cérébrale du stress.
Le problème du stress se pose lorsque la contrainte perdure dans le temps sans possibilité de récupération. Le syndrome général d’adaptation va avoir un fonctionnement qui place l’individu en état de stress dépassé ou distress.
Les réactions d’adaptations physiologiques vont finir par s’épuiser et favoriser la survenue des pathologies de stress. Si cette période perdure on entre alors dans la troisième phase : l’épuisement.
Le système est totalement adapté dès lors qu’il y a des stresseurs brefs pour lesquels on peut rapidement agir.
L’organisation de la réponse du stress à lieu au niveau cérébral via la mobilisation de multiples réseaux cérébraux qui se coordonnent. Pour schématiser de manière simple on peut dire que le cerveau est plus ou moins réactif en partie selon comment le système de balance gaba/glutamate s’exprime chez la personne. La présence de Gaba a tendance à être apaisante alors qu’un fonctionnement glutaminergique favorisera l’hyper-réactivité. Sur cette balance paisibilité / hyper-réactivité, les neurotransmetteurs amines et catécholamines sont responsables de moduler cette réponse.
- Trois acteurs principaux :
Quand l’amygdale détecte dans l’environnement une menace qu’elle identifie comme dangereuse, négative ou émotionnellement impactante pour l’individu elle transmet l’information à l’hypothalamus.
L’hypothalamus est le système exécutif du stress il est à l’origine de la sécrétion du cortisol par les glandes surrénales.
Un troisième acteur important qui regroupe le cortex frontal et l’hippocampe contribue à réguler le stress et à informer l’amygdale que l’environnement n’est plus stressant dès l’instant où l’individu a trouvé une solution pour y faire face.
- Le stress quel message ?
Le stress a donc pour fonction l’adaptation à un ou des stresseurs. Cette réaction permet la libération d’énergie nécessaire pour nous permettre de faire face au changement et/ou aux exigences de l’environnement. Il est essentiel à la vie de la même manière que boire, respirer et manger. Il a permis à l’être humain de s’adapter à tout un tas de menaces et de situations de la préhistoire à nos jours. Il permet l’éveil, augmente la vigilance, la force physique, diminue la sensation de douleur et donne de l’énergie.
Les changements de l’environnement induisent une réaction première de l’organisme, fuir ou combattre qui nous permet d’être acteur et de mobiliser nos ressources intérieures lors d’une situation challengeante (parler en public, faire une présentation, en situations d’apprentissages, de nouveauté…).
Lorsque nous osons, nous grandissons. Ces expériences permettent la croissance. On vit de l’inconfort, et on en sort grandit ! La sensation est normale et naturelle même si désagréable. On appelle cela sortir de sa zone de confort, sortir de ce que l’on connaît afin d’expérimenter de nouvelles choses. Pas de changement sans mobiliser la physiologie de l’organisme ! Tant qu’il y a de la vie, il y a du stress !
- Le stress peut aussi être permanent :
Une personne peut avoir appris par son histoire personnelle à se sur-adapter. Des schémas de fonctionnement intérieurs sont alors « imprimés » inconsciemment.
Cette hyper adaptation peut être induite par ses représentations intérieures (les drivers par exemple), ce qu’elle a appris notamment pendant l’enfance, parfois aussi par le fait qu’elle ne sache pas dire non, ou encore qu’elle n’est pas ou plus en lien avec ses besoins et ses limites (…). Elle peut aussi être d’origine traumatique.
Il peut être alors intéressant de se faire aider pour mieux se connaître. Apprendre à définir ses limites et à oser les dire. Remettre et/ou affiner le lien à soi. Apprendre à mettre de la souplesse avec ses exigences intérieures. Lâcher prise sur le perfectionnisme morbide, et les attentes irréalistes (personnelles et/ou induites par l’environnement dans lequel évolue la personne). Apprendre en somme l’écologie de soi. Se (re)connecter au respect de soi et protéger ainsi son intégrité.
Certaines situations sont aussi nocives et toxiques si elles durent dans le temps et se chronicisent. L’individu peut ne pas être pris en considération dans ses besoins, et se retrouver dans une forme de sur-adaptation contrainte (parce qu’il a besoin de son emploi pour manger, parce qu’il est étudiant, parce que l’institution n’a pas assez de moyens (…)).
Cette sur-adaptation peut être également parfois imposée par différents contextes douloureux, comme une crise sanitaire, un management toxique, par des collègues avec qui le relationnel et la collaboration sont difficiles, par l’organisation, par des agressions extérieures, par la charge de travail, (et la charge mentale qui en découle) le manque de personnel (…).
Par soucis de préservation de soi, lorsque la situation n’est plus tenable, même si ce que la personne fait lui plaît, elle peut être amenée à partir pour se protéger. Partir pour rester vivant. Cette réaction quoique coûteuse émane d’un mécanisme de défense sain pour préserver son intégrité.
Quelles stratégies pour s'apaiser après une journée stressante?
- Quelques pièges :
Il peut être tentant d’avoir recours à des stratégies anesthésiantes comme le tabac, l’alcool ou autres produits qui sont illusoirement apaisants sur le moment par la stimulation du circuit de la récompense qui sécrète de la dopamine.
Ce système est prévu initialement pour récompenser l’individu en libérant de la dopamine lorsqu’il répond à ses besoins vitaux (boire manger, dormir, se reproduire). Il ressent alors du plaisir l’encourageant à renouveler cette action lorsque ses besoins se manifestent. Cela lui permet ainsi de rester en vie (à la manière d’un ancrage positif suite au plaisir ressenti).
La libération artificielle de dopamine à doses élevées par la consommation de produits (environ 200 fois plus avec l’alcool par exemple) donne des sensations de plaisir immédiat mais avec la répétition, dérègle le système et le rapport au plaisir. La personne risque d’augmenter les doses pour avoir le même effet ressenti. Et dans cette mécanique la sphère de l’addiction se met en place insidieusement progressivement, avec toutes les conséquences qu’on lui connaît.
- Quelques pistes :
Pour se détendre et retrouver un état intérieur calme et relaxé, il est intéressant de mettre en place des activités qui stimulent le système parasympathique. Ce dernier met au repos le corps. Il déclenche une réponse de relaxation lorsqu’il est activé, induisant un ralentissement des fonctions de l’organisme et de la détente naturellement.
La respiration abdominale permet de déclencher une réponse de relaxation en étirant le diaphragme. C’est un premier exercice simple et accessible à tous qui permet de retrouver un état intérieur plus détendu. Chanter mobilise également la respiration abdominale qui induit de la détente, tout comme méditer.
La cohérence cardiaque en activant le baroréflexe cardiaque, ré-harmonise tous les rythmes biologiques du corps lorsqu’elle est pratiquée régulièrement.
Elle a des effets bénéfiques sur l’anxiété, sur l’hypertension artérielle et même sur le diabète. Les sportifs de haut niveau l’utilisent pour améliorer leurs performances et gérer leur stress avant une compétition.
Elle permet la création de nouvelles connexions neuronales, elle améliore la concentration et la mémorisation. Elle est accessible à tout à chacun, appropriable très facilement, et sans nécessité d’investir financièrement : il existe une multitude de vidéos en accès libre sur youtube.
Le sport est également une très bonne alternative pour libérer l’énergie mobilisée par le stress. Connue et reconnue pour ses vertus bénéfiques pour la santé, la pratique sportive permet de libérer des endorphines qui procurent des sensations de bien-être et de plaisir qui sont saines.
En conclusion :
Nous pouvons conclure en prenant conscience que notre système de santé est précieux et que quelque part nous avons de la chance d’avoir accès aux soins et ce presque complètement gratuitement. Nous payons les cotisations sociales effectivement mais nous avons aussi oublié je crois le coût que représente tous les soins de santé qui y sont dispensés.
En France, aujourd’hui le constat est difficile. Les déserts médicaux s’accentuent, beaucoup de soignants sont épuisés, et certains d’entre eux rendent leurs tabliers car ils sont épuisés. Ils se reconvertissent.
On observe une mutation profonde de notre société qui veut tout tout de suite à moindre coût et sans effort.
Je suis frappée de constater la transformation des valeurs véhiculées par notre société, et ce en très peu de temps. Le rapport aux stupéfiants, à l’alcool, à la violence, (…) qui sont aujourd’hui banalisés, pas directement, non, mais dans les histoires racontées dans les séries, à la télévision, dans les films montrant insidieusement l’exemple de comportements destructeurs de liens et de santé à nos jeunes générations. Il suffit de faire un pas de côté, de prendre le temps et de regarder les valeurs véhiculées.
Insidieusement tout cela influence les comportements sociaux. L’être humain dans sa construction fonctionne en partie par identification.
Nous savons que les maladies chroniques (diabète, hypertension, maladie cardiovasculaires obésité …) représentent le plus gros des dépenses de santé. Si notre mode de vie ne change pas notamment sur le plan de l’alimentation dans un avenir très proche, les budgets de santé vont exploser nécessitant plus de soins, plus de besoins de soignants alors que les budgets à ce jour sont déjà très serrés.
La manque de moyens est en partie responsable des restructurations des hôpitaux. Le nombre de professionnels de santé limité dans les services de soins, en ehpad dans le médico-social et en libéral rend de conditions de travail plus difficiles.
En parallèle, l’accès à l’alimentation hyper transformée se développe. Les produits pauvres sur le plan nutritionnel poussent comme des champignons et séduisent beaucoup d’entre-nous par le fait que ce soit facile d’accès, facile, appétant et facilitant du fait de nos modes de vie qui filent à toute allure. Et pourtant ils abiment la santé. Certains de nos jeunes ne savent même pas à quoi ressemble une courgette.
Notre système de santé est un des organes vitaux de notre société. Et aujourd’hui, il s’érode. Il est donc indispensable de s’en occuper dans différentes dimensions en s’inscrivant dans une réflexion globale et systémique au niveau de notre société. Les soignants représentant à une plus petite échelle, métaphoriquement une partie des cellules qui le composent. Alors prenons-en soin !
Pour aller plus loin :
- Amazon.fr – Par amour du stress – Lupien, Sonia – Livres
- Le changement sans stress : Dépasser les résistances et la pression (ED ORGANISATION) ebook : Lugan, Jean-Paul : Amazon.fr : Boutique Kindle
- Stress et burnout au travail : identifier, prévenir, guérir (ED ORGANISATION) ebook : Grebot, Elisabeth : Amazon.fr : Boutique Kindle
- L’intelligence du stress : Mieux vivre avec les neurosciences : Fradin, Jacques: Amazon.fr : Livres
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